Ô vous tous que l'ambition tourmente sans cesse ; vous qui mettez à un si haut prix les biens de ce monde, souffrez d'avoir un concurrent de moins dans l'envie qui vous pousse à les conquérir. Puisque vous le voulez si obstinément, fixez-vous à la mobilité du roseau, attachez-vous à ce qui fuit comme l'eau du torrent ; plongez-vous dans le bruit afin de mieux vous étourdir et vous dérober à vous-mêmes. Pour moi, j'aime la paix, laissez-moi la paix ; j'aime à rêver dans la solitude, laissez-moi la solitude et la rêverie. À vous les joies bruyantes du monde, à moi le silence du désert. Si vous êtes peu jaloux des biens que je recherche, je le suis beaucoup moins encore de ceux que vous ambitionnez. La pensée, le recueillement, la méditation, composent toute ma fortune ; laissez-m'en jouir en toute sécurité, et puisque vous ne sauriez l'envier, ne me privez pas du moins du seul bonheur qui m'est cher, celui d'être inconnu et oublié.