Nous nous vantons souvent de ne nous point ennuyer, et nous sommes si glorieux que nous ne voulons pas nous trouver de mauvaise compagnie.
Le caractère des grands esprits est de faire entendre en peu de paroles beaucoup de choses.
C'est plutôt par l'estime de nos propres sentiments que nous exagérons les bonnes qualités des autres, que par l'estime de leur mérite ; et nous voulons nous attirer des louanges, lorsqu'il semble que nous leur en donnons.
On n'aime point à louer, et on ne loue jamais personne sans intérêt.
La louange est une flatterie habile et délicate qui satisfait différemment celui qui la donne et celui qui la reçoit.
Le désir de mériter les louanges qu'on nous donne fortifie notre vertu ; et celles que l'on donne à l'esprit, à la valeur, et à la beauté contribuent à les augmenter.
Il est plus difficile de s'empêcher d'être gouverné que de gouverner les autres.
Si nous ne nous flattions point nous-mêmes, la flatterie des autres ne nous pourrait nuire.
La fortune nous corrige de plusieurs défauts que la raison ne saurait corriger.
Il y a des gens dégoûtants avec du mérite, et d'autres qui plaisent avec des défauts.
Il y a des gens dont tout le mérite consiste à dire et à faire des sottises utilement, et qui gâteraient tout s'ils changeaient de conduite.
La gloire des grands hommes se doit toujours mesurer aux moyens dont ils se sont servis pour l'acquérir.
La flatterie est une fausse monnaie qui n'a de cours que par notre vanité.
Ce n'est pas assez d'avoir de grandes qualités, il en faut avoir l'économie.
Quelque éclatante que soit une action, elle ne doit pas passer pour grande lorsqu'elle n'est pas l'effet d'un grand dessein.
Il doit y avoir une certaine proportion entre les actions et les desseins si on en veut tirer tous les effets qu'elles peuvent produire.
L'art de savoir bien mettre en œuvre de médiocres qualités donne souvent plus de réputation que de mérite.
Il y a une infinité de conduites qui paraissent ridicules, et dont les raisons cachées sont très sages et très solides.
Notre mérite nous attire l'estime des honnêtes gens, et notre étoile celle du public.
L'avarice est plus opposée à l'économie que la libéralité.
Pendant que la paresse et la timidité nous retiennent dans notre devoir, notre vertu en a souvent tout l'honneur.
Il est difficile de juger si un procédé net, sincère et honnête, est un effet de probité ou d'habileté.
Les vertus se perdent dans l'intérêt, comme les fleuves se perdent dans la mer.
Si on examine bien les divers effets de l'ennui, on trouvera qu'il fait manquer à plus de devoirs que l'intérêt.
Il y a diverses sortes de curiosité : l'une d'intérêt, qui nous porte à désirer d'apprendre ce qui nous peut être utile, et l'autre d'orgueil, qui vient du désir de savoir ce que les autres ignorent.
Mieux vaut employer notre esprit à supporter l'infortune qui nous arrive qu'à prévoir celle qui peut nous arriver.
La constance en amour est une inconstance perpétuelle, qui fait que notre cœur s'attache successivement à toutes les qualités de la personne que nous aimons, donnant tantôt la préférence à l'une, tantôt à l'autre ; de sorte que cette constance n'est qu'une inconstance arrêtée et renfermée dans un même sujet.
Il y a deux sortes de constance en amour : l'une vient de ce que l'on trouve sans cesse dans la personne que l'on aime de nouveaux sujets d'aimer, et l'autre vient de ce que l'on se fait un honneur d'être constant.
La persévérance n'est digne ni de blâme ni de louange, parce qu'elle n'est que la durée des goûts et des sentiments, qu'on ne s'ôte et qu'on ne se donne point.
Ce qui nous fait aimer les nouvelles connaissances n'est pas tant la lassitude que nous avons des vieilles ou le plaisir de changer, que le dégoût de n'être pas assez admirés de ceux qui nous connaissent trop, et l'espérance de l'être davantage de ceux qui ne nous connaissent pas tant.
Nous nous plaignons quelquefois légèrement de nos amis pour justifier par avance notre légèreté.
Notre repentir n'est pas tant un regret du mal que nous avons fait, qu'une crainte de celui qui nous en peut arriver.
Il y a une inconstance qui vient de la légèreté de l'esprit ou de sa faiblesse, qui lui fait recevoir toutes les opinions d'autrui, et il y en a une autre, qui est plus excusable, qui vient du dégoût des choses.
Les vices entrent dans la composition des vertus comme les poisons entrent dans la composition des remèdes.
Les plus grands malheurs des hommes sont ceux où ils tombent par les crimes.
Nous avouons nos défauts pour réparer par notre sincérité le tort qu'ils nous font dans l'esprit des autres.
Il y a des héros en mal comme en bien.
On ne méprise pas tous ceux qui ont des vices ; mais on méprise tous ceux qui n'ont aucune vertu.
Le nom de la vertu sert à l'intérêt aussi utilement que les vices.
La santé de l'âme n'est pas plus assurée que celle du corps ; et quoique l'on paraisse éloigné des passions, on n'est pas moins en danger de s'y laisser emporter que de tomber malade quand on se porte bien.
La nature a prescrit à chaque homme dès sa naissance des bornes pour les vertus et pour les vices.
Les vices nous attendent dans le cours de la vie comme des hôtes chez qui il faut successivement loger.
Quand les vices nous quittent, nous nous flattons de la créance que c'est nous qui les quittons.
Il y a des rechutes dans les maladies de l'âme, comme dans celles du corps. Ce que nous prenons pour notre guérison n'est le plus souvent qu'un relâche ou un changement de mal.
Les défauts de l'âme sont comme les blessures du corps : quelque soin qu'on prenne de les guérir, la cicatrice paraît toujours, et elles sont à tout moment en danger de se rouvrir.
Ce qui nous empêche souvent de nous abandonner à un seul vice est que nous en avons plusieurs.
Nous oublions aisément nos fautes lorsqu'elles ne sont sues que de nous.
Il y a des gens de qui l'on peut ne jamais croire du mal sans l'avoir vu.
Nous élevons la gloire des uns pour abaisser celle des autres.
Le désir de paraître habile empêche souvent de le devenir.
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