La France produit amplement le contingent d'hommes nécessaires au recrutement de sa politique : seulement, le gouvernement les emploie mal. Il les fait généraux avant de les faire colonels. C'est le moyen de n'avoir ni colonels ni généraux. Aussi est-ce ce qui nous arrive. Il en serait autrement si le travail était divisé comme il devrait l'être ; si la responsabilité ministérielle, qui n'admet qu'un degré, en avait deux ; si l'on multipliait assez les directions générales pour qu'elles formassent une pépinière abondante d'hommes expérimentés et éprouvés parmi lesquels il n'y aurait qu'à choisir les plus capables, en tenant compte à la fois et de l'autorité acquise, et de la fermeté de caractère, et de la facilité d'élocution. Un succès de tribune, un talent de parole même éminent ne devrait pas suffire pour faire arriver de plain-pied au ministère un pair ou un député. Autre chose est de conduire les affaires avec vigueur, ou d'en parler avec éclat. Sans doute, il est juste de faire à la parole sa part, mais cette part, pour être légitime, ne doit pas être exclusive : autrement, on n'a pas un gouvernement ; on a un spectacle, et le plus cher des spectacles !