La Providence est si bonne, si maternelle, qu'elle vient à notre secours dans toutes les vicissitudes de la vie. L'habitude nous plie à tout, on s'accoutume même à la douleur. Voyez le pauvre, il se fait à sa pauvreté, son pain noir lui devient savoureux, et il se plaît dans sa chaumière, mieux souvent que le riche dans sa villa. Voyez le mendiant, il se fait à son indigence ; son état ne lui est pas aussi lourd que l'on s'imagine, la bonté de Dieu lui en allège secrètement le fardeau. Que de riches lui envient sa santé robuste ! Point de maladies, peu d'infirmités. Tandis que l'homme voluptueux plie sous le poids de ses jouissances, on voit le mendiant porter sans fléchir le poids de sa misère ; l'été le trouve endurci contre ses ardeurs et ses orages, l'hiver contre ses rigueurs ; il essuie impunément la chaleur et la pluie, la bise du nord et les vents orageux ; mais le beau temps le réconforte. Le printemps est la saison du malheureux ; quand il arrive, son pauvre cœur s'épanouit à la vie, le soleil le réjouit, le chant des oiseaux l'égaie, l'air pur de la campagne le ranime et le fortifie, l'eau du ruisseau le désaltère délicieusement, c'est pour lui comme un nectar ; il tire gaiement de sa besace le morceau de pain que lui a jeté la richesse, et il le mange avec délice ; l'appétit est le cuisinier du pauvre, et le pauvre ne s'en plaint jamais. Et puis, comme il dort bien sur le gazon, lit douillet que lui a fait la bonne nature ! Une heure de sommeil a reposé ses membres fatigués, lui a rafraîchi le sang, lui a donné des songes pour enchanter le reste de sa journée ; il se relève content et dispos, il reprend avec gaieté son bâton de mendiant, et s'en va ainsi cheminant de village en village, recevant le plus souvent des refus et des affronts, mais trouvant toujours çà et là des mains charitables pour le secourir et des cœurs sensibles pour le plaindre.